poésie (corps) sonore

Le poète sans corps sonne à vide.
Le poète sonore sonne à son heure.
Le poème sonore s’écrit sur le vide.
Le poète sonore ne parle pas demain.
Tout micro est un stylo pour la bouche.
Le poème sonore se fait dans la bouche.
Le poète sonore écrit un livre sans bord.
Le poète qui expire est un instant sonore.
Nul ne se prétend poète d’inanité sonore.
Le poète sonore écrit avec les deux mains.
Le mot « performance » est triste à mourir.
Le poète sonore est chez lui dans un cirque.
Le futur s’écrit au présent du poème sonore.
Le poème sonore s’écrit au présent perpétuel.
Tout poème qui se lit par les oreilles est sonore.
Dans l’obscurité le poète est sonore ou n’est pas.
Sound poetry ou spoken word dirait-il en anglais.
Le poète sonore joue aux fléchettes avec un stylo.
Le corps est le (premier) support du poème sonore.
Voir un poème sonore, c’est déjà l’entendre un peu.
Le poète amoureux sonore est-il sonore amoureux ?
Le poète sonore en extérieur écrit avec des appeaux.
Le poète sonore peut-il sonner encore dans la mort ?
Le poète sonore prend des photos avec un dictaphone.
Il reste au poète analphabète la solution d’être sonore.
Le poète sonore travaille dur à durer dans l’éphémère.
Le poète sonore se dit rarement poète et jamais sonore.
Le poète sonore montre son corps dans les bibliothèques.
Le poète sonore ne dit jamais rien de la faim dans le monde.
La poésie sonore vide les salles pour mieux remplir le monde.
Le poète sonore est trapéziste incompétent ou clown intellectuel.
Tout poème dans l’éloignement d’une feuille de papier est sonore.
Il y a toujours la trace d’un silence dans les yeux d’un poète sonore.
Un poète sonore dans sa baignoire se perd dans les bruits du monde.
Un poète sonore dans la campagne fait plus de bruit qu’une mobylette.
L’université française attend du poète sonore qu’il soit enfin silencieux.
« Ceci est mon corps, prenez et buvez en tous » dit un poète sonore antique.
Tout poète qui prend des cours de chant n’est pas nécessairement sonore.
Les poètes classiques séduisent leur public depuis leurs tours d’ivoire.
Les poètes sonores s’observent mutuellement depuis leurs miradors.
Le poète est dans la lumière, le poète sonore sous les projecteurs.
Le poète analphabète est au sommet de la hiérarchie des poètes.
Tout poète sonore qui publie est un poète sonore qui s’oublie.
Les poètes sonores sont discoboles plutôt que bibliophiles.
Les mains du poète sonore soulignent ce qu’il n’écrit pas.
Le poète sonore qui s’intéresse au théâtre est funambule.
Le poète sonore parle la langue qui est dans sa bouche.
La fanfare des poètes sonores est encore pour demain.
Le poète sonore étudie l’acoustique de son tombeau.
Le poète sonore ne répète pas : au pire il se répète.
Le poète s’honore de ne rien tenir dans les mains.
Le poète s’honore de n’être plus là le lendemain.
Tout poète qui ronfle en dormant est-il sonore ?
Le poète sonore isolé est-il encore sonore ?



publié dans l'Anthologie du Festival Voix Vives de Sète 2011
et auparavant, dans une version antérieure,
dans BoXoN n° 13/14
, été 2003